Présomption de responsabilité et exonération pour cause étrangère

La constatation de l’existence du dommage suffit à engager les responsabilités légales (Cass. 3e civ., 6 févr. 2002 : RD imm. 2002, p. 150. – Cass. 3e civ., 30 avr. 2002 : RD imm. 2002, p. 322 et la note. – Cass. 3e civ., 15 mai 2002 : Juris-Data n° 2002-014327 : Constr.-urb. 2002, comm. 195, Sizaire ; JCP G 2002, IV, 2099).
Un entrepreneur qui a posé une cheminée réputée dissociable (cas de responsabilité biennale) mais ayant entraîné l’incendie de l’immeuble, est tenu à responsabilité décennale (CA Bordeaux, 1re ch., 24 oct. 2000 : Juris-Data n° 2000-127530 ; JCP G 2001, IV, 1907. – V. infra n° 51).
À défaut de preuve de la force majeure ou d’une cause étrangère, la responsabilité décennale de l’entrepreneur a été retenue, sans qu’il y ait lieu de rechercher la cause exacte des désordres (Cass. 3e civ., 1re déc. 1999 : Juris-Data n° 1999-004195 ; JCP G 2000, IV, 1103 ; Bull. civ. 1999, III, n° 230).
Ce n’est pas le créancier d’une prestation d’entreprise qui est tenu d’établir la faute de l’entrepreneur ; c’est à l’entrepreneur de s’exonérer en rapportant la preuve d’une cause étrangère (En ce sens, Cass. 1re civ., 16 juin 1982 : Gaz. Pal. 1982, 2, pan. jurispr. p. 328. – Sur ce point, V. G. Liet-Veaux et D. Veaux, La responsabilité des constructeurs et la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat : CJEG août-sept. 1983, p. 277).
Le vice indécelable d’un existant conservé a été reconnu comme cause étrangère exonératoire (Cass. 3e civ., 26 févr. 2003 : Juris-Data n° 2003-017908 ; Bull. civ. 2003, III, n° 46 ; RD imm. 2003, p. 281 et la note ; JCP G 2003, IV, 1733 ; Mon. TP 25 avr. 2003, p. 99 et 401). La solution serait contraire si les défauts de l’existant étaient connus, car les responsabilités légales ne couvrent que les vices cachés (CA Paris, 23e ch. A, 25 juin 2003 : Juris-Data n° 2003-218806).
Cas de force majeure :
  • un glissement du tréfonds du terrain (Cass. 3e civ., 5 déc. 1990 : Mon. TP 3 mai 1991, p. 53. – A contrario Cass. 3e civ., 13 juill. 1994 : Juris-Data n° 1994-002085 ; Resp. civ. et assur. 1994, comm. n° 379) ;
  • un effondrement de bâtiment dû à d’abondantes chutes de neige imprévisibles et irrésistibles (Cass. 3e civ., 28 oct. 1992 : Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jurispr. p. 69 ; RD imm. 1993, p. 85 ; Bull. civ. 1992, III, n° 281) ; ou à une précipitation de 230 mm d’eau en trois heures (CA Nîmes, 1re ch., 9 janv. 2001 : Juris-Data n° 2001-136668 ; JCP G 2001, IV, 2222) ;
  • un vent constituant une véritable calamité (Cass. 3e civ., 7 mars 1979 : Bull. civ. 1979, III, n° 57 ; D. 1979, inf. rap. p. 380. – Cass. 3e civ., 11 mai 1994 : Juris-Data n° 1994-000921 ; Resp. civ. et assur. 1994, comm. n° 333) ;
  • une grève d’EDF (Cass. ch. mixte, 4 févr. 1983 : Bull. ch. mixte, n° 1 et 2 ; CJEG juill. 1983, p. 247 s., concl. Cochard ; D. 1983, inf. rap. p. 267. – Cass. 1re civ., 24 janv. 1995 : Juris-Data n° 1995-000267 ; Bull. civ. 1995, I, n° 54 ; D. 1995, jurispr. p. 327) ;
  • un attentat non annoncé (Cass. 3e civ., 29 janv. 1998 : RD imm. 1998, p. 285)

La cause étrangère exonérant un entrepreneur résulte du fait que l’architecte avait dissimulé certaines recommandations techniques (Cass. 3e civ., 16 oct. 1984 : D. 1985, jurispr. p. 431, note J.-P. Rémery).

Le fait que des désordres résultent exclusivement de défaut d’exécution des travaux n’exonère pas l’architecte, dès lors que ce dernier avait reçu une “mission complète”, et que la cour d’appel n’a pas relevé l’existence d’une cause étrangère aux dommages (Cass. 3e civ., 19 juill. 1995 : Juris-Data n° 1995-002106 ; JCP G 1995, IV, 2285 ; Bull. civ. 1995, III, n° 188 ; RD imm. 1995, p. 756). La sévérité de cette dernière solution surprend.
Le maître de l’ouvrage, transformant de façon “aberrante” une ventilation de chute de W.-C., a exonéré les constructeurs (Cass. 3e civ., 13 févr. 1991 : Juris-Data n° 1991-000254 ; RD imm. 1991, p. 483). Confirmation à propos d’un maître de l’ouvrage qui s’était comporté en maître d’oeuvre de l’opération (Cass. 3e civ., 19 oct. 2004 : RD imm. 2005, p. 60).
Un maître de l’ouvrage a été jugé partiellement responsable à la suite de travaux dissimulés aux constructeurs, d’un refus de faire l’étude des sols qui avait été préconisée par le maître d’oeuvre, et d’un choix de revêtement inadéquat (Cass. 3e civ., 11 oct. 2000 : Juris-Data n° 2000-006239 ; Constr.-urb. 2001, comm. n° 6 ; RD imm. 2001, p. 85).
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